MÊME LES RENNES ONT DES AILES
Rien à ajouter. Un mystère s’ajoute à d’autres. Un visage, de la musique. C’est tout.
Ainsi le visage triste de la jeune femme noire ferait partie de ces détails dont on se souvient longtemps, sans savoir exactement l’importance qu’ils ont pour qu’on les conserve ainsi. De la même façon, n’ai-je pas été saisie par l’image d’un buisson aux fruits rouges fixée en moi de manière durable, isolée du reste du paysagehivernal où je l’avais vue ?
Ces détails, le visage triste, les fruits rouges, le foulard de soie mauve noué au cou d’un vieil homme aux cheveux blancs, constituent une somme à laquelle je peux puiser pour constituer un pays de la mémoire qui me soit personnel et presque heureux. Je suppose qu’il en est ainsi pour chacun d’entre nous. Plutôt que de me souvenir, et pourtant il m’arrive tout de même d’y penser, de réflexions comme celles de Leopardi sur la langue, des détails deviennent aussi présents et vivants que des événements, privés ou publics.
J’ai essayé de téléphoner à la maison de retraite pour obtenir ma mère. Mais son téléphone est toujours en dérangement. De la sorte, j’ai eu une infirmière que j’ai chargée de lui adresser mon bonjour. Eloge de la fuite.